L'avenir de la presse passe-t-il par la tablette ?
La question peut paraître éculée tant, depuis le lancement de l'Ipad par Steve Jobs en janvier 2010, elle est récurrente au sein de toutes les rédactions. Le papier va-t-il disparaître? Va-t-on télécharger son PDF sur sa tablette ou surfer sur son smartphone? De toutes ces réponses, se joue en partie l'avenir de la presse. Les pratiques évoluent très vite: selon les dernier chiffres de l'OJD, la diffusion papier est en très net recul tandis que les ventes de journaux quotidiens au format numérique prennent leur envol, représentant désormais entre 8 % et jusqu'à 18 % des ventes pour Les Échos et Le Monde.
La question du support est-elle déterminante. Y a-t-il un modèle économique? Ce sont les questions que posent Cyril Petit et Vincent Mas, dans leur livre, La presse sur tablette, paru le mois dernier. Pourtant tout le monde ne croit pas à la tablette et certains parient d'emblée sur le smartphone. L'hebdomadaire britannique The Economist lance sa première édition quotidienne, The Economist Expresso, une application conçue pour le smartphone qui offre un condensé d'articles court, l'actualité de la nuit, et un résumé des cours des principaux indices et devises...Le tout pour être consulté au petit déjeuner ou dans les transports pour 3,59 par mois...
Papier, tablette, smartphone, l'incertitude continue de régner parmi les éditeurs de presse. "Il y a un an Ouest France lançait, le premier quotidien numérique du soir sur tablette, gratuit, avec des contenus propres fournis par leur réseau de correspondants", écrivait Arrêts sur images. Problème: les visites ont plafonné à 1500 consultations quotidiennes, le lectorat du plus gros quotidien français n'étant pas encore assez équipé... "Du coup, Ouest France a abandonné l'idée d'un quotidien 100% tablette et l'a porté sur web et les smartphones, lui permettant ainsi de multiplier le lectorat moyen par dix", continue l'article.
Même expérience en demi teinte à Rue 89. Le pure player a renoncé à son édition du week-end sur tablette à 2,69 € par mois faute de lecteurs... La réponse est en partie donnée par David A. Levy, directeur du Reuters Institute for the Study of Journalism à Oxford, qui s'intéresse aux nouveaux comportements de consommation de l'actu. Selon lui, "Nous utilisons chaque objet pour ce qu'il peut apporter: le smartphone pour l'information rapide; la tablette pour la lecture d'articles; les journaux pour la lecture approfondie. L'inconnu est l'équilibre, à terme, entre ces différents objets." Mais ajoute-t-il, le pouvoir d'attraction des tablettes réside dans le fait qu'elles combinent des mises en forme héritées du papier et la puissance et la profondeur des ordinateurs.
C'est la leçon retenue par le journal canadien francophone la Presse + qui, pour faire face à l'érosion de ses ventes, a décidé de tout miser sur la tablette et d'abandonner à court terme le papier. L'application, lancée depuis 18 mois, est un vrai produit multimédia innovant qui permet une navigation efficace entre du texte, des photos, de la vidéo. Et d'ores et déjà couronné de succès, puisque 35% des revenus du groupe proviendraient de l'édition numérique comme l'affirme son directeur, Guy Crevier.
Succès ou pas, la tablette continue d'attirer. En France, Le Monde et l'OBS devraient dans quelques semaines lancer leur nouvelle application tandis que trois anciens dirigeants de presse, Denis Jeambar, Éric Fottorino, et David Guiraud, lancent, pour début 2015, un nouveau quotidien sur tablette, baptisé provisoirement "2h57". Tablette, ou smartphone, les mutations sont en cours. Quoi qu'il en soit, les nouvelles se liront donc bien désormais sur des écrans.